Les tirailleurs nord-africains qui ont participé à la libération de la France ont dû attendre que leurs arrière-petits-enfants se saisissent du dossier et racontent leur destin exceptionnel et tragique. Rachid Bouchareb, Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem et Sami Bouajila ont compris une chose : s’ils ne réécrivent pas eux-mêmes ce chapitre que l’histoire officielle française s’est empressée d’oublier, personne d’autre ne le ferait.

« Indigène » est un film simple mais infiniment émouvant, infiniment triste. Simple, parce que à première vue il a tout d’un « Il faut sauver le soldat Ryan » version beur, un film de guerre bien conçu et bien ficelé. Emouvant à l’image de ses quatre personnages : Messouad (Roschdy Zem) le soldat amoureux et rebelle, Yassir (Samy Naceri) veillant sur son frère Larbi (Assaad Bouab) qui mourra sur le front, Saïd (Jamel Debbouze) l’attachant petit guerrier algérien et le caporal Abdelkader (Sami Bouajila) un idéaliste rêvant de gloire avant de se désenchanter. «Je libère un pays. C’est mon pays, même si je ne l’ai jamais vu avant» résume Said.

Un film triste, parce que cette histoire rappelle quelque chose à tout le monde : le sort inique et odieux réservé à ces braves soldats par l’ancienne puissance coloniale. Leurs pensions ont été « cristallisées » (bloquées) au niveau atteint à la date de l’indépendance si bien qu’aujourd’hui un ancien combattant marocain reçoit en tout et pour tout 60 euros par an ! Ingratitude. Injustice. Inhumanité. Il a fallu attendre l’émotion suscitée par le film pour que le gouvernement français se décide enfin à les revaloriser et les aligner sur celles de leurs compagnons d’armes français.

Il est des films qu’on doit voir par devoir, « Indigènes » en est un. Un hommage posthume en l’honneur de tous ceux qui ont périt sur le front pour la France cette France qui n’a jamais daigné payer sa dette du sang. Ceux encore vivants mais oubliés, méprisés et parqués encore aujourd’hui dans les sordides foyers Sonacotra. Et ceux qui, morts dans le silence la solitude et l’abandon, ne sont plus parmi nous.